SII : Quels risques prendriez-vous pour un remède?

Le mois d’avril souligne un autre Mois de sensibilisation au syndrome de l’intestin irritable (SII) au Canada. Touchant de 13 à 20 % de la population, cette affection à diverses facettes peut avoir une incidence grave sur la vie des personnes qui en souffrent. Comment grave, vous vous demandez? Grave au point que de nombreux patients affirment qu’ils risqueraient la mort pour la possibilité d’un remède, révèlent les résultats d’une étonnante étude publiée l’été dernier dans The American Journal of Gastroenterology.1

Malgré des décennies de recherche, à la grande frustration des patients et des médecins, il n’existe toujours pas de remède contre le SII, une maladie qui est chronique chez la plupart des personnes qui en reçoivent le diagnostic. Les fournisseurs de soins de santé offrent des traitements individualisés pour contrer les symptômes variés associés au SII, notamment la douleur ou les malaises abdominaux, les ballonnements, la diarrhée et la constipation. Certaines personnes répondent positivement aux traitements tandis que chez d’autres, le SII présente une lutte continue contre des symptômes incessants.

Perception et perspectives

Dans le cadre de l’étude en question, les chercheurs ont tout d’abord mis au point un questionnaire unique pour évaluer les expériences des patients atteints du SII par rapport à leur maladie, leur perception des risques associés aux médicaments utilisés pour traiter le SII et leur volonté d’accepter des risques médicamenteux hypothétiques pour la possibilité d’une guérison complète. L’étude s’est penchée sur 186 patients âgés de 18 ans et plus souffrant du SII et répondant aux critères de Rome III à l’égard du SII.

Même s’il n’existe aucune preuve pour appuyer un lien entre le SII et un risque accru d’un cancer colorectal, 49 % des participants à l’étude étaient d’avis qu’il en existait un et 54 % d’entre eux croyaient que leurs symptômes du SII ne seraient jamais éliminés. Environ 30 % des participants étaient aussi convaincus que le SII influencerait leur espérance de vie même s’il n’existe aucune preuve actuelle à cet effet. Les fournisseurs de soins de santé peuvent aider les patients qui connaissent des craintes injustifiées à l’égard des conséquences à long terme du SII en les rassurant à ce sujet. Les chercheurs ont également comparé la perception des participants par rapport à leurs symptômes du SII avec leur évaluation selon un système de notation validé pour la gravité des symptômes du SII. Cette comparaison a démontré que les patients avaient légèrement tendance à sous-estimer la gravité de leurs symptômes du SII. Les auteurs ont exprimé qu’il s’agit d’une constatation importante parce qu’il existe l’inquiétude que certains fournisseurs de soins de santé pourraient croire que les patients souffrants du SII exagèrent leurs symptômes.

Un risque pas ordinaire

La dernière partie du questionnaire a mis au point un outil appelé pari standard (Standard Gamble) qui demande aux patients de choisir entre différents pourcentages de risque de mort et de chances de guérison en ce qui concerne leur maladie ou affection. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont obtenu le point de vue des participants relativement à un médicament hypothétique qui éliminerait tous leurs symptômes du SII sans qu’ils aient à prendre d’autres médicaments contre le SII. Les participants ont affirmé qu’ils accepteraient un risque médian de 1 % d’une mort immédiate en retour pour une probabilité de 99 % d’une guérison totale. Le niveau médian de risque que les patients étaient prêts à prendre était le même pour tous les sous-types tels que le SII-constipation et le SII-diarrhée. Les facteurs comme l’âge, le sexe, le comportement général par rapport à la prise de risques, la durée des symptômes du SII, la prise actuelle de médicaments et les effets secondaires connus à la prise de médicaments antécédents ne semblaient pas influer sur la disposition des participants à tout risquer pour la possibilité d’éliminer leurs symptômes du SII. Les auteurs de l’étude ont souligné : « Ce désir remarquable de risquer une mort soudaine illustre à quel point le fardeau des symptômes du SII compromet la qualité de vie des patients. »

Bien sûr, en réalité il n’existe aucun remède parfait et aucune solution magique aux maladies chroniques. Si vous ou des personnes qui vous sont chères êtes touchées par le SII, ne perdez pas espoir et n’abandonnez pas la recherche pour un médicament efficace. De nombreuses recherches se poursuivent dans ce domaine et les médecins introduisent régulièrement des traitements nouveaux ou améliorés. Environ 40 % des personnes aux prises avec le SII ne cherchent pas à obtenir des soins médicaux. Cela signifie qu’elles vivent avec des symptômes continus, perturbateurs et possiblement douloureux sans bénéficier des traitements disponibles. Si vous croyez que vous pourriez être atteint du SII ou si vous avez reçu un diagnostic il y a plusieurs années sans poursuivre un traitement, consultez votre fournisseur de soins de santé. Il existe toute une variété de thérapies que de nombreux patients trouvent utiles. Parmi celles-ci on compte les médicaments d’ordonnance et en vente libre, les modifications à l’alimentation et au mode de vie, le counseling psychologique et même les traitements de physiothérapie qui visent précisément à aider les personnes atteintes du SII.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 185 – 2013
1. Lacy BE et al. IBS Patients’ Willingness to Take Risks With Medications. The American Journal of Gastroenterology. 2012;107:804-809.
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