Le cannabis médical et la MII

Il y a quelques années, à une conférence MauxdeventreMC à Vancouver, un patient atteint d’une maladie inflammatoire de l’intestin (MII) voulait en savoir plus sur l’utilisation de la marihuana pour traiter la douleur associée à sa maladie. Le conférencier, un gastro-entérologue, s’est esclaffé et a dit : « Où, si ce n’est pas à Vancouver, quelqu’un poserait-il cette sorte de question? » Cette personne n’est pas seule; de nombreux Canadiens souffrant d’une affection digestive douloureuse se demandent si la marihuana pourrait aider à améliorer leurs symptômes, surtout lorsque rien d’autre ne fonctionne.

À l’heure actuelle, la quantité de recherches solides sur le potentiel médical de la marihuana est limitée, en partie parce qu’il existe tellement de souches dont la puissance est variable et changeante. Dans la plupart des pays, le statut illégal du cannabis empêche les chercheurs de réaliser des études adéquates.1 Malgré le manque de preuves, de nombreux Canadiens ont de fortes convictions à ce sujet, allant de ceux qui croient que le cannabis peut tout guérir jusqu’à ceux qui croient que le cannabis est une drogue dangereuse ne pouvant rien offrir de positif. Dans cet article, nous établirons la différence entre la recherche et la spéculation, et expliquerons ce que les preuves démontrent en ce qui concerne la marihuana pour le traitement de la MII.

Qu’est-ce que le cannabis?

La marihuana comparée au chanvre

L’on cultive de nombreuses souches de la plante de cannabis depuis des milliers d’années à des fins différentes. Lorsque l’on développe la plante afin qu’elle soit grande et forte avec des tiges épaisses et fibreuses et qu’elle contienne une très petite quantité de cannabinoïdes (les composés actifs dans la plante), on l’appelle chanvre; les graines de chanvre sont principalement utilisées comme source alimentaire et ses fibres servent à des fins industrielles. Lorsque la plante est cultivée de façon à avoir de grandes feuilles et fleurs luxuriantes dont le contenu est élevé en cannabinoïdes et servant à des fins médicinales ou récréatives, on l’appelle marihuana. Les agriculteurs ont créé d’innombrables souches différentes de marihuana, chacune comportant une combinaison différente de cannabinoïdes et une puissance variable. Deux cannabinoïdes courants ont fait l’objet de la plupart des recherches relatives à la MII :

  • Delta 9-tétrahydrocannabinol (THC), le cannabinoïde le plus reconnu est associé à une diminution des nausées et de la douleur, à un appétit accru (la fringale) et à des effets psychologiques comme la relaxation, l’euphorie et des perceptions sensorielles modifiées, entraînant une sensation d’intoxication chez les utilisateurs. Le THC est aussi associé à des effets psychologiques négatifs tels que l’irritabilité, l’anxiété et la paranoïa.
  • Le cannabidiol (CBD) ne produit pas d’effets intoxicants (non psychotropes), mais il cause des effets sédatifs qui sont parfois ressentis en fumant ou en ingérant de la marihuana. Le CBD est associé à une réduction des convulsions, de la nausée et de l’inflammation. Il peut aussi améliorer certains des symptômes négatifs associés au THC.2

Folie de la marihuana?

Un bref historique du cannabis

Shen Nong

Shen Nung

L’histoire révèle qu’on utilise la plante du cannabis depuis environ 8 000 ans avant notre ère, afin d’en fabriquer de la corde et des textiles de chanvre et pour consommer les graines de chanvre. Elle pourrait en effet avoir été l’une des premières cultures agricoles! Les premiers dossiers historiques sur l’utilisation du cannabis comme médicament remontent à la Chine en 2 737 avant notre ère lorsque l’empereur Shen Nung recommandait une tisane de marihuana pour guérir différentes affections.

la reine Victoria

Par la suite, cette simple herbe s’est répandue partout dans le monde. Les chamans de nombreuses cultures anciennes y compris les Scythes, les Thraces et les Daces utilisaient la marihuana pour induire des transes. Dans l’Égypte antique, on utilisait le cannabis sous forme de suppositoire pour soulager la douleur associée aux hémorroïdes. Les hindous de l’Inde antique utilisaient le ganja (un autre nom pour la marihuana) à des fins spirituelles et médicinales. Plus récemment, on a obtenu des preuves que William Shakespeare et la reine Victoria utilisaient tous deux la plante. La marihuana était même populaire aux É.-U. jusqu’au début du 20e siècle, où les consommateurs pouvaient l’acheter de magasins généraux et de pharmacies comme médicament.

Aujourd’hui, la plante de cannabis est encore largement utilisée sous forme de chanvre pour fabriquer du papier, des vêtements, des bijoux, de la corde, des textiles robustes (le mot « canvas » [toile] en anglais provient du mot cannabis), des plastiques biodégradables, de l’isolant et même du carburant. Nous consommons aussi ses graines nutritives, qui sont de plus en plus populaires pour fabriquer des substituts du lait, ainsi que de nombreux autres aliments tels que l’huile de chanvre ou le beurre de chanvre.

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Un produit de cannabis à partir du début du 20e siècle

La marihuana demeure une drogue extrêmement populaire à l’échelle mondiale à des fins récréatives et médicinales. Ses feuilles et bourgeons récoltés et séchés peuvent être fumés, vaporisés ou mangés, on peut en faire des teintures ou on peut les concentrer en une résine appelée hach ou hachich. Même si la marihuana est illégale dans de nombreux endroits, plus de 40 % des Canadiens avouent en avoir fumé à un moment donné.3

Le potentiel médicinal de la marihuana gagne en popularité puisque la recherche montre qu’elle a la possibilité de traiter une vaste gamme de problèmes tels que les nausées, le manque d’appétit, la douleur, l’insomnie, le syndrome prémenstruel, la MII, les migraines, l’épilepsie, certains troubles mentaux, le glaucome, l’asthme, la sclérose en plaques et de nombreuses autres affections. Dans certaines circonstances, il est possible d’obtenir de la marihuana médicinale de façon légale au Canada. Voir la section ci-dessous sur le Programme d’accès à la marihuana à des fins médicales pour obtenir des renseignements additionnels.

Marihuana et MII

Le système endocannabinoïde (SEC)

Afin de comprendre pourquoi la marihuana pourrait être bénéfique à la MII, il est utile de posséder des connaissances élémentaires du système endocannabinoïde. Le SEC aide notre corps à réguler la douleur, l’humeur, l’appétit, la motilité gastro-intestinale (GI), la mémoire, les émotions, la réponse au stress, la fonction immunitaire et encore plus. Le SEC se compose d’une combinaison complexe d’endocannabinoïdes (cannabinoïdes que notre corps produit naturellement) qui stimulent les récepteurs cannabinoïdes du corps situés dans plusieurs endroits du corps tels que le cerveau, les muscles, la graisse (tissu adipeux) et la totalité du tractus GI. Lorsqu’une personne ingère le THC ou le CBD, dont les formes moléculaires ressemblent à celle des endocannabinoïdes, ces substances se lient aux mêmes récepteurs cannabinoïdes et déclenchent des réactions produisant des concentrations soit très élevées, soit très faibles, de molécules précises utilisées par les cellules du cerveau pour communiquer entre elles (neurotransmetteurs). Cela est important puisqu’un nombre croissant de travaux de recherche suggère qu’il existe un lien important entre le fonctionnement (ou le non-fonctionnement) du SEC et la pathologie de la MII.

Inflammation

À ce jour, la plupart des recherches se penchant sur les effets de la marihuana (ou ses composés, le THC et le CBD) sur la MII ont consisté en des études sur les animaux ou sur des échantillons de tissus humains prélevés par biopsie. Les résultats sont prometteurs, mais des recherches additionnelles et des études menées chez les humains sont requises avant que nous puissions vraiment comprendre à quel point ces substances pourraient être efficaces.

Dans une étude,4 les chercheurs ont provoqué une inflammation intestinale (colite) chez des rongeurs et ont ensuite évalué l’efficacité du THC et du CBD comparativement à la sulfasalazine (un des médicaments anti-inflammatoires en usage depuis le plus longtemps) à soulager l’inflammation connexe. Les résultats ont démontré que le THC était le plus efficace des trois lorsqu’il était utilisé seul à une dose suffisante, le CBD était inefficace utilisé seul et la sulfasalazine n’était que légèrement efficace. Fait intéressant, les chercheurs ont observé un effet synergétique en combinant une plus faible dose de THC (reconnue comme inefficace lorsque le THC est utilisé seul) avec le CBD; ce traitement était encore plus bénéfique que la dose efficace déjà observée de THC utilisé seul. Cela pourrait signifier qu’un traitement futur combinant une plus faible dose de THC en combinaison avec le CBD pourrait être plus sécuritaire et entraîner moins d’effets secondaires qu’un traitement à une dose plus élevée de THC, étant donné que le CBD ne cause pas d’intoxication. Contrairement à la sulfasalazine, le THC, utilisé seul et en combinaison avec le CBD, a également amélioré la fonction du mouvement musculaire du côlon.

Dans une autre étude chez les animaux,5 les chercheurs ont utilisé de nombreuses méthodes différentes pour évaluer l’efficacité du CBD utilisé seul à réduire l’inflammation causée par la colite. Ils ont constaté qu’en administrant le CBD après avoir provoqué l’inflammation, celle-ci était réduite et qu’en administrant le CBD avant de tenter de provoquer l’inflammation, celle-ci ne se produisait pas du tout. En utilisant des biopsies provenant de personnes atteintes de colite ulcéreuse, les chercheurs ont aussi découvert que le CBD était un agent anti-inflammatoire efficace, que la biopsie provenait d’un patient en rémission ou d’un patient connaissant une maladie active. Les chercheurs ont trouvé que le CBD a un effet sur certaines cellules (cellules gliales entériques) qui constituent la première ligne de défense contre les pathogènes nocifs. En présence d’agents pathogènes, ces cellules stimulent normalement le processus inflammatoire en fabriquant une protéine précise, mais le CBD module cette dernière, réduisant ainsi l’inflammation dans le tractus GI.

Maladie de Crohn

Dans le cadre d’une petite étude rétrospective observationnelle,6 des chercheurs ont posé de nombreuses questions à 30 patients israéliens souffrant de la maladie de Crohn sur la gravité de leurs symptômes, toutes chirurgies et tous traitements médicaux antérieurs et les raisons pour lesquelles ils utilisaient la marihuana. Dans la mesure du possible, les chercheurs ont comparé ces informations aux documents médicaux (dossiers d’hospitalisation et d’utilisation de médicaments) dans le but de trouver des renseignements objectifs sur la gravité de la maladie.

Les patients consommaient généralement la marihuana en la fumant, la dose moyenne consistant de 1 à 3 joints (cigarettes de marihuana roulées) par jour. Tous les participants ont déclaré que la marihuana avait un effet positif sur la gravité de leur maladie, et des 30 patients, 21 ont déclaré avoir connu une amélioration importante de leurs symptômes.

Un des résultats objectifs les plus importants était la réduction de la quantité de médicaments requise pour gérer les symptômes de la maladie de Crohn. De nombreux participants ont requis moins de médicaments sur ordonnance en utilisant la marihuana et neuf d’entre eux ont pu cesser d’utiliser tous les autres médicaments contre la MII. (Voir tableau.) Dans l’ensemble, les participants ont nécessité légèrement moins de chirurgies pendant qu’ils prenaient la marihuana comparativement à ce qu’ils avaient subi précédemment. Les participants ont aussi signalé une diminution du nombre moyen de selles quotidiennes à la suite de l’utilisation de la marihuana – passant d’une moyenne de huit selles par jour à cinq selles par jour par patient.

Cette étude, quoique prometteuse, a de nombreuses lacunes, telles que le manque de fiabilité inhérent de la mémoire des patients, l’incapacité des chercheurs à mesurer la puissance ou l’efficacité de cannabinoïdes particuliers et le manque de données sur les effets positifs (et possiblement négatifs) à long terme du traitement à la marihuana pour la maladie de Crohn.

Traitement médical avant et après l’utilisation de marihuana (n=30)6
Médicament Avant Après
Aucun traitement Aucun 9
5-ASA 27 5
Corticostéroïdes 26 4
Thiopurine 20 10
Méthotrexate 6 0
Anti-FNTα (méd. biolologique) 12 4

 

Lors d’une étude prospective contrôlée par placébo, plus fiable, mais toujours de petite envergure7 et aussi réalisée en Israël, les chercheurs se sont penchés sur 21 patients atteints de la maladie de Crohn dont la maladie était active et qui n’avaient pas répondu à d’autres traitements disponibles. La moitié des patients a fumé de la marihuana deux fois par jour sous forme de cigarettes contenant 11,5 mg de THC tandis que l’autre moitié a fumé une cigarette placébo ne contenant aucun ingrédient actif. Les chercheurs ont évalué l’activité de la maladie et analysé les résultats de tests de laboratoire pendant les huit semaines de traitement et encore deux semaines plus tard. Des onze participants qui ont pris du cannabis, cinq ont connu une rémission complète comparativement à seulement un des dix participants prenant un placébo. Cette étude est positive, mais elle comprenait très peu de participants; les chercheurs affirment que les résultats justifient des études plus poussées.

Dangers et effets indésirables

Malgré son utilisation répandue, les effets négatifs à long terme de l’utilisation de marihuana ne sont pas clairs. La quantité de recherche menée sur ce sujet est actuellement très faible et bon nombre des études publiées sont contradictoires ou de faible qualité. De nombreux débats se mènent dans le domaine médical en ce qui concerne la possibilité de complications, y compris le syndrome d’hyperémèse cannabinoïde14,15,16 (voir encadré), l’aggravation de problèmes psychologiques,17 l’apparition d’anxiété ou de paranoïa,18 une baisse du QI19,20 et une dépendance psychologique.21 Bon nombre de ces problèmes demeurent controversés et sont une source populaire de débats entre les chercheurs. Les femmes enceintes devraient éviter le cannabis puisqu’il pourrait poser des risques à la santé du fœtus.

Nous avons une meilleure connaissance des effets négatifs à court terme (ceux qui se produisent seulement pendant que l’utilisateur est intoxiqué) de la marihuana. Les effets comprennent une diminution temporaire de la concentration et de la mémoire à court terme, une anxiété ou une paranoïa accrue, l’hypotension, l’accélération de la fréquence cardiaque (présente un risque pour les personnes souffrant actuellement de problèmes cardiaques) et un déficit des capacités motrices. En raison de ces effets, il est dangereux de conduire en utilisant de la marihuana.22

Puisqu’il n’y a pas de surveillance de la part du gouvernement ou de fabricants pour la marihuana achetée illégalement, elle pourrait, sans que l’utilisateur le sache, contenir de nombreux autres ingrédients qui sont potentiellement dangereux (p. ex., la phencyclidine [PCP], des particules de plomb, etc.). Il ne faut jamais se procurer de la marihuana illégalement ou en prendre à moins qu’elle ne soit recommandée par votre médecin.

Des recherches préliminaires suggèrent qu’il est possible qu’une maladie connue sous le nom de syndrome d’hyperémèse cannabinoïde résulte d’une consommation intense de marihuana. Le SHC fait son apparition chez les fumeurs de cannabis sous forme de nausées, de vomissements et de douleurs abdominales de type colique. Les personnes qui en souffrent trouvent que prendre une douche ou un bain chaud soulage les symptômes de façon temporaire. Les symptômes disparaissent lorsque l’utilisateur cesse d’utiliser la marihuana.

 

Mise à jour 2017 sur le cannabis médical au Canada

Cet article a été publié pour la première fois en 2013. Depuis cette date, les opinions publiques sur le cannabis continuent d’évoluer drastiquement, provoquant des changements dans la façon dont les patients peuvent accéder à ce médicament. Un nombre croissant d’états aux États-Unis légalisent le cannabis à des fins médicales et récréatives. Au Canada, un sondage mené en 2016 a révélé que 68 % des Canadiens sont en faveur de la légalisation ou de la décriminalisation de la marijuana,26 mais cette drogue est actuellement illégale au Canada sauf si vous êtes détenteur d’une licence à titre de producteur de marijuana à des fins médicales ou d’un document médical à titre d’utilisateur.

Dans le cadre de sa plateforme électorale de 2015, le gouvernement Trudeau a fait part de son intention de légaliser le cannabis à des fins non médicales. En 2016, l’honorable Dre Jane Philpott, ministre fédérale de la Santé, a annoncé que le gouvernement introduirait la mesure législative pour la légalisation de cette drogue au printemps 2017. Entre temps cependant, toute personne qui se fait prendre à cultiver de la marijuana ou à être en possession de celle-ci sans une autorisation appropriée peut faire l’objet d’accusations criminelles.

Le Canada a eu trois différents régimes d’accès au cannabis à des fins médicales au cours des deux dernières décennies. En août 2016, Santé Canada a mis en place le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales (RACFM). En vertu du RACFM, les médecins peuvent autoriser leurs patients à se procurer légalement du cannabis sur la base d’un « document médical ».

Les patients peuvent utiliser le « document médical » pour s’inscrire soit auprès d’un des plus de 35 producteurs autorisés, soit auprès de Santé Canada pour cultiver leur propre stock (ou pour désigner quelqu’un d’autre à en faire la culture pour eux). Santé Canada permet aux producteurs autorisés de cultiver différentes souches de cannabis à des fins médicales dans un milieu strictement réglementé, exigeant que ceux-ci adhèrent à des normes élevées en matière d’innocuité et de puissance. Ces producteurs peuvent vendre le cannabis à des fins médicales sous forme soit de fleur séchée soit d’huile ingérable. Les patients passent des commandes (jusqu’à une dose mensuelle autorisée) directement auprès du producteur autorisé qui expédie alors le médicament directement à leur résidence par service de messagerie.

À l’heure actuelle, tout point de vente au détail, y compris les clubs compassion et les dispensaires, fonctionne en dehors du cadre réglementaire et n’est pas légal. Il est courant pour ces points de vente d’offrir des produits que les producteurs n’ont pas l’autorisation de vendre (p. ex., des produits comestibles), mais ils n’ont généralement pas les moyens d’effectuer des essais sur leurs produits, ce qui peut potentiellement créer des préoccupations en matière de sécurité en plus d’enfreindre les lois.

Si vous souffrez d’une MII et que vous aimeriez essayer le cannabis à des fins médicales, ne cessez pas de prendre vos médicaments prescrits. Parlez plutôt à votre médecin au sujet des risques et des bienfaits liés à votre situation et demandez-lui de l’aide pour présenter une demande d’accès au programme de cannabis à des fins médicales de Santé Canada.

Un sondage récent a révélé que 66 % des Canadiens appuient la légalisation ou décriminalisation de la marihuana,23 celle-ci étant illégale au Canada en l’absence d’une licence de production ou de possession de marihuana à des fins médicales. Les personnes qui se font prendre à cultiver la marihuana ou qui en ont en leur possession sans détenir une licence peuvent faire l’objet d’accusations criminelles.

Les médecins au Canada décrient une décision récente du gouvernement fédéral apportant un changement à la surveillance du Programme d’accès à la marihuana à des fins médicales. Ce changement signifie qu’au lieu de tout simplement recommander au programme les patients qui, selon eux, pourraient profiter de la marihuana médicinale, comme cela se fait actuellement, les médecins seraient chargés de rédiger les ordonnances. Ce nouveau système rend les médecins mal à l’aise. Compte tenu de l’énorme variété de souches, toutes ayant des puissances différentes, et de l’absence d’une gamme posologique bien étudiée, les médecins se sentent mal équipés pour prescrire la marihuana médicinale comme ils le feraient avec tout autre médicament régi par le gouvernement fédéral. Certains médecins sont aussi inquiets que les patients voulant simplement être intoxiqués les voient comme une source de marihuana récréative.

La présidente de l’Association médicale canadienne, la Dre Anna Reid, a déclaré dans un communiqué de presse à la fin de 2012 : « Les patients ne voudraient pas que nous prescrivions des médicaments pour le cœur, contre le cancer ou pour soigner toute autre maladie sans avoir les preuves scientifiques à l’appui de l’utilisation de ces drogues. Pourquoi le gouvernement fédéral veut-il que nous le fassions pour la marihuana ? »24

De même, le Collège des médecins de famille du Canada a diffusé dans les médias un autre appel au gouvernement afin que celui-ci adresse les questions évidentes d’éthique et les enjeux potentiels liés à la responsabilité entourant la prescription de marihuana par les médecins.25 Les médecins demandent au gouvernement de changer le nouveau règlement de façon à ce qu’ils puissent tout simplement donner une déclaration aux patients, indiquant que le patient répond au critère de Santé Canada permettant l’accès à la marihuana à des fins médicales, mais pas une prescription. Contrairement à une prescription, une déclaration ne précise pas de dose ou de consignes d’utilisation et ne sous-entend pas que le médecin recommande ou conseille au patient de fumer ou de consommer de la marihuana.

Si vous souffrez de la MII et que vous souhaitez essayer la marihuana, ne cessez pas de prendre vos médicaments d’ordonnance. Parlez plutôt à votre médecin des risques et des bienfaits comme ils ont trait à votre situation et demandez-lui de l’aide avec votre soumission auprès de Santé Canada au Programme d’accès à la marihuana à des fins médicales. Vous pouvez consulter le site Web de Santé Canada pour obtenir des renseignements additionnels.

Conclusion

Bien que la recherche portant sur l’efficacité de la marihuana pour le traitement de la MII et d’autres affections n’en soit toujours qu’à ses débuts comparativement aux tests rigoureux habituellement requis pour les médicaments d’ordonnance, les résultats d’études existantes relatives à la MII sont prometteurs – pour ce qui a trait à la douleur, à l’inflammation et à d’autres manifestations de la maladie.

Les médecins canadiens demandent à Santé Canada d’appuyer de nouvelles recherches qui pourraient démontrer l’innocuité et l’efficacité de la marihuana médicinale. Si des recherches rigoureuses démontraient que le cannabis était un traitement efficace pour la MII, nous aurions alors besoin de nouvelles lois régissant son utilisation avant qu’il soit facilement accessible.

Cinq faits intéressants sur la marihuana

  1. Fumer de la marihuana de temps à autre ne semble pas occasionner de problèmes par rapport à la fonction des poumons. La recherche montre que contrairement aux cigarettes à base de tabac, une consommation légère de marihuana peut en fait augmenter la capacité des poumons.8 Cependant, cet effet diminue en fumant de plus grandes quantités de marihuana.
  2. Contrairement à presque toute drogue ou tout médicament, légal ou illégal, il est quasi impossible de mourir d’une surdose de marihuana à son état naturel. Il n’y a aucune preuve documentée d’une mort associée à la toxicité de la marihuana utilisée seule et les chercheurs estiment qu’il faudrait manger ou fumer des quantités invraisemblablement élevées de la plante pour qu’une surdose se produise. Cependant, les cannabinoïdes synthétiques sont dangereux.9,10 Bien entendu, les effets intoxicants de la marihuana sur le comportement peut entraîner des choix peu judicieux qui pourraient créer des situations dangereuses.
  3. La marihuana ne contient aucune nicotine, mais certaines personnes ajoutent du tabac dans les cigarettes roulées avant de les fumer. Cela est pertinent puisque la recherche a démontré que la nicotine peut parfois améliorer les symptômes de colite ulcéreuse, mais peut aggraver les symptômes de la maladie de Crohn.11
  4. La recherche suggère que l’usage occasionnel de marihuana pourrait avoir un effet protecteur contre le dommage au cerveau causé par la consommation occasionnelle excessive d’alcool.12
  5. Consommer du cannabis tout en prenant des opioïdes pourrait réduire la douleur sans augmenter le taux d’opioïdes dans le sang, permettant aux patients de prendre moins de médicaments.13

Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 186 et 201 – 2013 and 2017
Écrit en collaboration avec :
Jonathan Zaid
Fondateur et directeur général
Canadians for Fair Access to Medical Marijuana
Pour obtenir des renseignements additionnels sur le RACFM, visitez le site Web de Santé Canada au www.canada.ca. Pour obtenir des renseignements généraux sur l’accès, les enjeux des patients et les politiques des collèges provinciaux, visitez le site Web de Canadians for Fair Access to Medical Marijuana au www.cfamm.ca.
La directrice générale de la Société GI, Gail Attara, est maintenant membre du Comité consultatif des patients du Conseil canadien du cannabis médical, représentant les intérêts des patients atteints d’affections gastro-intestinales et hépatiques sur cette question.
Photo : © bigstockphoto.com/megaflopp (dernière image sur la page)
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