La guerre des médicaments

Il y a une guerre à l’horizon au Canada en ce qui concerne la propriété intellectuelle (PI); nous avons besoin de mesures de sauvegarde comme celles d’autres pays où les lois qui protègent les droits des inventeurs sont plus rigoureuses. Les droits de propriété intellectuelle sont la pierre angulaire de l’innovation.

Certaines percées canadiennes ont une renommée mondiale : les célèbres travaux des médecins-chercheurs de Toronto, Sir Frederick Banting et Charles Best, les co-découvreurs de l’insuline; le traitement révolutionnaire contre le VIH/SIDA connu sous le nom de 3TC, développé en partie par des chercheurs de Montréal; l’arrêt du SRAS par un groupe de la C.-B.

Tel que nous l’avons rapporté au fil des années, l’élaboration d’un nouveau traitement pharmaceutique et sa mise en marché peut souvent prendre entre 10 et 12 ans et coûter environ un milliard de dollars. Les fabricants de médicaments génériques tentent de copier les produits de marque aussitôt que le brevet prend fin; au Canada, ces fabricants vont à l’encontre de nos lois lorsqu’ils prennent de l’avance en copiant les drogues de marque avant que le brevet ait pris fin. Cette pratique nous touchera tous sous la forme de coûts de santé plus élevés.

Les innovateurs obtiennent des brevets afin que l’exclusivité du marché accordée permette suffisamment de temps pour recouvrer les coûts associés au développement de leurs créations avant qu’elles fassent partie du domaine public, qu’il s’agisse de médicaments novateurs, de nouveaux processus de fabrication ou de machineries uniques. Une société axée sur l’économie, comme la nôtre, a besoin de freins et de contrepoids. Lorsqu’il n’existe aucune protection, la motivation d’investir en recherche s’amenuise. À l’instant même, les fabricants de produits génériques font des copies de médicaments toujours protégés par un brevet sans que les tribunaux semblent pouvoir les arrêter. Il pourrait en découler une réduction des sommes investies en recherche et une diminution du nombre d’avancées scientifiques.

Bien que certains gouvernements du Canada obligent les fabricants de produits génériques à baisser les prix, nous payons toujours beaucoup plus que les Américains pour les mêmes produits; toutefois, nos produits de marque coûtent habituellement moins chers que les même produits aux É.-U.

Un récent sondage d’opinion mené par la firme Nanos Research1 révèle que les Canadiens sont d’avis que les investissements dans les vaccins et médicaments novateurs améliorent les résultats en matière de santé et contribuent à créer un système de soins de santé viable et une économie plus forte. Le sondage mené auprès de plus de 1 200 Canadiens a également dévoilé que 80,8 % sont en faveur que des améliorations soient apportées aux règles de propriété intellectuelle afin qu’elles soient au moins équivalentes à celles de l’Union européenne et des États-Unis (moins de 11 % s’opposent à des améliorations). En outre, plus de 87 % des répondants estiment que le Canada devrait bénéficier de protections en matière de propriété intellectuelle, équivalentes ou supérieures à celles de l’Union européenne et de nos principaux partenaires commerciaux; moins de 4 % croient que les protections de la PI devraient être moindres. Ces résultats démontrent que les Canadiens comprennent le lien vital entre des mesures de sauvegarde rigoureuses en matière de propriété intellectuelle et la recherche et l’innovation.

Que peut-on faire? L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) et la Chambre de commerce du Canada ont diffusé un rapport plus tôt cette année intitulé L’innovation engendre un avenir plus prospère : Combler les lacunes de la propriété intellectuelle au Canada dans le secteur pharmaceutique, dans lequel paraissent trois recommandations qui amélioreraient immédiatement l’environnement de recherche au Canada :

  • accorder aux sociétés novatrices un droit efficace d’en appeler d’une décision défavorable du tribunal afin d’assurer un traitement équitable,
  • améliorer les règlements de protection des données,
  • mettre en œuvre un système de rétablissement de la durée des brevets pour contrebalancer les délais de la règlementation.

Dans toute lutte, les causes et les effets prévalent. Lorsqu’un côté passe à l’action, cela entraîne une réaction de l’autre côté et les conséquences sont souvent beaucoup plus importantes que les actions individuelles de chaque côté. Cette lutte ne se limite pas aux médicaments puisque la protection de la propriété intellectuelle est fondamentale au succès du Canada. Elle permettra à notre pays de donner naissance à des idées et à de nouveaux processus et produits qui sauront améliorer notre qualité de vie.

Les améliorations apportées à la PI depuis les 25 dernières années ont provoqué un accroissement de 800 % des investissements en recherche et développement pharmaceutiques au Canada. Une meilleure protection de la PI permettra également au Canada d’attirer une plus grande part de la somme de 100 milliards de dollars investie à l’échelle mondiale dans les sciences de la vie.

En tant que consommateurs, nous voulons toujours obtenir ce qui est le plus avantageux à l’égard des produits, mais ce qui est le plus avantageux n’est pas nécessairement représenté par le produit le moins dispendieux. Dans la guerre entre les créateurs de médicaments fondés sur la recherche et les copieurs avec leurs versions génériques, les patients pourraient faire partie des dommages collatéraux. Exprimez votre appui à l’égard de la protection des droits d’inventeurs au Canada.


Gail Attara, Directrice générale nationale, Société GI
Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 179 – 2011
1. Nanos Research a mené un sondage téléphonique national aléatoire auprès de 1 203 Canadiens entre le 25 juillet et le 2 août 2011. La marge d’erreur pour un sondage auprès de 1 203 Canadiens est de ± 2,8 points de pourcentage, 19 fois sur 20.
Photos : © Nick Schlax/iStockphoto.com, © Marcin Łukaszewicz/Dreamstime.com