Ne jetez pas vos médicaments n’importe où

Santé Canada a récemment déclaré : « On trouve des traces de médicaments dans l’environnement, en particulier dans l’eau (eaux de surface, eaux côtières, eaux souterraines et eau potable) et le sol. Les preuves s’accumulent pour démontrer que les médicaments d’ordonnance ou en vente libre, et les produits de soins personnels jetés aux ordures, dans les toilettes ou l’évier contribuent au problème, ce qui aurait des effets néfastes sur l’environnement et, indirectement, sur la santé humaine, »1

Un bref coup d’oeil dans votre armoire à pharmacie pourrait révéler une collection de médicaments dont vous n’avez plus besoin. Vous y trouverez peut-être un produit qui remonte à plusieurs années lorsque vous aviez une épaule douloureuse, ou des pilules contraceptives inutilisées ou bien encore des médicaments antidiarrhéiques dont vous avez eu besoin lors de votre séjour au Mexique, mais cela est (heureusement) dans le passé. Il est fort possible que vous trouviez des médicaments dont vous n’avez tout simplement pas besoin et le temps est venu de s’en débarrasser. Mais attendez – ne les jetez pas dans les toilettes!

Les résultats d’une enquête canadienne menée en 20052 révèlent que 24 % de tous les ménages déclarent avoir des médicaments inutilisés ou périmés dans leur maison. La moyenne nationale de ces ménages qui se sont débarrassés de ces médicaments en les jetant avec les ordures ménagères, dans l’évier ou dans les toilettes, ou en les enterrant était de 40 %. À l’échelle provinciale, le pourcentage des ménages qui se sont débarrassés de médicaments inutilisés ou périmés de façon non sécuritaire ou non contrôlée variait entre 38 % (Québec et Île-du-Prince-Édouard) et 84 % (Terre-Neuve).

Pourquoi ces actions sont-elles si défavorables? Lorsque les médicaments sont pris correctement, leurs effets sur le patient peuvent être très positifs et bénéfiques; ils peuvent aider avec la gestion d’un trouble de santé, enrayer une maladie ou même la guérir. Une exposition non intentionnelle à de petites ou de faibles traces de médicaments qui ne sont pas nécessaires peut cependant avoir un effet néfaste à long terme sur les plantes, les animaux et les humains.

Les Canadiens ont manifestement besoin de changer leurs méthodes d’élimination de médicaments afin d’aider à minimiser l’exposition environnementale aux produits chimiques potentiellement nocifs.

Niveau de risque

Les médicaments n’ont pas tous le même degré de nocivité sur l’environnement, mais tous doivent être éliminés de façon sécuritaire. Les médicaments ne sont habituellement pas des agents naturels. Même si un médicament est dérivé d’une substance organique telle qu’une plante, il est sensiblement différent de sa source après le processus de transformation. À moins qu’une substance ne puisse se décomposer rapidement en ses composantes de base, elle sera toujours présente dans l’écosystème ou aura des effets néfastes sur celui-ci. Quoique les concentrations de produits chimiques d’une pilule ou deux puissent paraître faibles, elles peuvent quand même être suffisantes pour entraîner des modifications à l’environnement ou avoir des effets nocifs sur celui-ci. L’effet cumulatif de tous les consommateurs jetant une pilule ou deux peut avoir un impact direct ou indirect sur la santé des animaux et des humains. Les femmes enceintes, les nouveaux-nés et les enfants sont plus sensibles aux effets négatifs des contaminants, même en faible quantité.

Les dangers sont évidents en ce qui concerne les médicaments cytotoxiques qui font partie du schéma chimiothérapeutique dans le traitement du cancer. Ces médicaments perturbent la fonction cellulaire et ont le pouvoir de modifier l’ADN et d’entraîner des lésions chromosomiques. Bien qu’il n’existe pas d’études spécifiques qui aient démontré l’impact négatif des médicaments sur l’environnement, il existe des preuves que l’exposition à des médicaments cytotoxiques cause un taux accru de lésions chromosomiques chez les travailleurs.3 De plus, le fait de travailler avec des médicaments cytotoxiques a été associé à des effets néfastes sur la santé tels que de plus grandes incidences de fausses couches, d’anomalies congénitales, de faibles poids à la naissance et d’infertilité. Afin de minimiser et de prévenir toute exposition inutile, les hôpitaux et les centres médicaux spécialisés contrôlent la manipulation de ces médicaments de façon stricte lors de traitements et de l’élimination des excédents. Toutefois, l’utilisation de ces médicaments est récemment devenue plus répandue et ils ont maintenant une place dans le traitement à domicile de certaines affections, y compris celles de la peau (p. ex., le psoriasis), des articulations (p. ex., la polyarthrite rhumatoïde) et des muscles. Dans ces cas, l’utilisation et l’élimination des médicaments sont souvent sous la responsabilité du patient, qui devrait respecter les protocoles d’utilisation et d’élimination, mais qui n’est pas tenu de le faire.

Les antibiotiques peuvent s’infiltrer dans notre écosystème s’ils sont éliminés de façon inappropriée; cela favorise la résistance des bactéries et des levures, provoquant un taux accru d’infections difficiles à traiter. Un médecin prescrit une dose précise d’un antibiotique pour une durée déterminée afin de tuer les bactéries et de traiter l’infection; le patient doit le prendre selon les indications jusqu’à la fin du traitement. Si les bactéries sont exposées à de faibles niveaux d’antibiotiques, insuffisants pour les tuer, cela encourage le développement de souches bactériennes résistantes. Les résidus d’antibiotiques dans l’environnement pourraient tuer les bactéries qui sont plus faibles tandis que les bactéries qui sont plus fortes et plus résistantes pourraient survivre et se multiplier, entraînant un plus grand nombre de souches résistantes.

Le public fait preuve d’une plus grande complaisance envers d’autres catégories de médicaments. Tous les médicaments, qu’ils soient sur ordonnance ou en ventre libre, ou qu’ils soient des produits de soins personnels, contiennent des ingrédients actifs qui peuvent avoir un impact sur la vie aquatique, la vie animale, le sol, les plantes et la santé des humains. Ils doivent tous être éliminés de façon responsable et sécuritaire. Cela devrait tous nous concerner.

Responsabilité visant l’élimination sécuritaire

Il incombe à toutes les personnes qui jouent un rôle dans l’utilisation de médicaments d’assurer leur utilisation adéquate et leur élimination sécuritaire.

Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, l’Association canadienne du médicament générique et l’Association canadienne de l’industrie des médicaments en vente libre (maintenant Produits de santé consommateurs du Canada) sont les principaux organismes qui ont créé l’Association pour la gestion des résidus pharmaceutiques post-consommation, organisme à but non lucratif (www.medicationsreturn.ca). Son rôle de gérance consiste à assurer le respect des normes des programmes gouvernementaux et environnementaux pour la cueillette et l’élimination des produits pharmaceutiques inutilisés et périmés. Financé par l’industrie pharmaceutique, l’objectif du programme consiste à détourner les médicaments inutilisés ou périmés des sites d’enfouissement et des égouts, ainsi qu’à assurer une collecte et une élimination sûres et efficaces. Les consommateurs apportent des produits aux pharmacies qui, à leur tour, les envoient à un site d’élimination approprié où l’on pratique une incinération contrôlée.

La plupart des pharmacies participent à un programme de reprise ou de retour de médicaments dans le cadre duquel elles s’occupent de faire éliminer les médicaments de façon sécuritaire au plan environnemental. Ces programmes respectent la confidentialité de vos renseignements personnels qui paraissent sur vos flacons d’ordonnance. Il n’est cependant pas obligatoire de retourner les médicaments avec les étiquettes intactes. Vous pouvez discuter de confidentialité avec votre pharmacien, mais en cas de doute, enlevez l’étiquette avant de remettre le tout.

Consultez l’encadré ci-dessous pour un sommaire des programmes qui sont disponibles dans les provinces et territoires. Sauf indication contraire, les consommateurs bénéficient gratuitement de ces programmes. Si votre pharmacie ne participe pas à un programme pour l’élimination sécuritaire des médicaments inutilisés ou périmés, encouragez-la à le faire. Même s’ils n’y sont pas tenus, plusieurs organisations et établissements qui manipulent des produits chimiques dangereux, y compris les fabricants de produits pharmaceutiques, respectent des protocoles internes rigoureux de maniement et d’élimination de ces produits.

Usage sécuritaire des médicaments

  • Puisque le médicament prescrit par votre médecin a un but précis, assurez-vous de le prendre selon les indications. Demandez à votre médecin ou à votre pharmacien quand vous devez le prendre exactement et quand vous devez arrêter; demandez ce que vous devez faire si vous manquez une dose par mégarde ou si vous connaissez un effet indésirable. Lorsqu’on vous prescrit des antibiotiques, il est très important de les prendre selon les indications et jusqu’à la fin du traitement même si vous vous sentez mieux après seulement quelques doses. Les antibiotiques sont pris au complet sauf avis contraire de votre médecin ou de votre pharmacien; le cas échéant, les antibiotiques inutilisés doivent être éliminés de façon sécuritaire.
  • Ne partagez pas vos médicaments et ne donnez à quiconque vos médicaments d’ordonnance inutilisés. Cette pratique est dangereuse puisque les médicaments peuvent interagir entre eux et ne pas fonctionner de la même façon chez d’autres personnes ou dans certaines conditions.
  • Ne rangez pas vos médicaments avec des aliments ou des produits domestiques; sauf avis contraire de votre pharmacien, entreposez les médicaments dans un endroit frais et sec à l’abri de la lumière directe du soleil, de préférence au haut d’une armoire qui se verrouille, dans un endroit non humide et hors de la portée des enfants. Gardez les médicaments dans leur flacon original et étiqueté, et gardez le couvercle fermé.
  • Il est bon de faire un inventaire de votre armoire à pharmacie au moins une fois tous les ans pour déterminer s’il y a des médicaments que vous n’utilisez plus ou qui sont périmés ou endommagés (p. ex., ont été exposés à l’humidité ou à l’eau, ou entreposés incorrectement); le cas échéant, apportez-les à votre pharmacie pour leur élimination. Vous pouvez demander à votre pharmacien comment obtenir de nouveaux produits si cela est nécessaire.
  • Ne vous débarrassez jamais des produits pharmaceutiques en les jetant avec les ordures ménagères, dans l’évier ou dans les toilettes, ou en les plaçant dans votre compost ou au recyclage.

Élimination sécuritaire

Lorsqu’ils sont utilisés de façon adéquate, les médicaments améliorent et sauvent des vies, en plus d’alléger le fardeau financier de notre système de santé en prévenant les coûts associés aux maladies non-traitées. De plus, les médicaments inutilisés et périmés doivent être éliminés de façon appropriée afin qu’ils ne contaminent pas notre environnement en se retrouvant encore actifs dans notre système d’approvisionnement en eau, nos sites d’enfouissements et le sol.

Il est beaucoup plus compliqué d’étudier les effets d’une élimination sécuritaire des médicaments que ceux des médicaments dans le traitement d’une maladie, puisqu’il est possible dans ce dernier cas de mener des essais cliniques comparant des médicaments actifs à des substances inactives (placébo). Nous devons tous acquérir une meilleure compréhension des risques et agir de façon responsable pour éliminer les médicaments. Si votre pharmacie locale ne participe pas encore à un programme pour l’élimination sécuritaire des médicaments, encouragez-la à le faire.4

Élimination des produits pharmaceutiques à travers le Canada

Alberta

Le public peut retourner des médicaments inutilisés ou périmés à n’importe laquelle des 800 pharmacies communautaires participantes en Alberta.

Colombie-Britannique

Le public peut retourner des médicaments inutilisés ou périmés aux 943 pharmacies communautaires participantes de la Colombie-Britannique. Dans cette province uniquement, les pharmacies ont recueilli plus de 50 705 kg de médicaments inutilisés ou périmés en 2009.5

Manitoba

Le public peut retourner des médicaments inutilisés ou périmés à une pharmacie de leur collectivité par l’intermédiaire d’un programme offert par les industries pharmaceutiques et de la santé des consommateurs.

Nouveau-Brunswick

Il n’existe pas de programme provincial officiel; toutefois, la majorité des commissions régionales de gestion de déchets solides de la province offrent des programmes de déchets domestiques dangereux qui opèrent selon le principe de l’utilisateur-payeur avec des frais de déversement standard. En plus de ces programmes, la majorité des pharmacies de la province offrent et financent des programmes de reprise de produits pharmaceutiques.

Terre-Neuve et Labrador

Les produits pharmaceutiques peuvent être éliminés lors d’une collecte annuelle de déchets domestiques dangereux, parrainée par le Multi-Materials Stewardship Board.

Territoires du Nord-Ouest

Il n’y existe actuellement aucun programme officiel à l’exception d’un programme de gestion des produits pharmaceutiques cytotoxiques.6

Nouvelle-Écosse

La Nouvelle-Écosse possède un programme provincial officiel pour l’élimination de déchets pharmaceutiques résidentiels par l’intermédiaire des pharmacies communautaires provinciales.

Nunavut

Le Nunavut ne possède pas de programme territorial officiel. Cependant, on peut habituellement rapporter des produits pharmaceutiques aux pharmacies communautaires et aux centres de santé.

Ontario

Depuis juillet 2010, la province a élargi son programme de recyclage Dépôt Orange pour inclure des produits pharmaceutiques utilisés chez les humains et les animaux domestiques tels que les médicaments sur ordonnance et en vente libre, les produits de santé naturels, les thermomètres, les objets pointus et tranchants (aiguilles, seringues, lancettes et stylos auto-injecteurs). Le programme Dépôt Orange encourage les Ontariens de vivre selon la règle BUD :

  • Besoin : acheter uniquement ce dont vous avez besoin.
  • Utilisez-le au complet.
  • Déposer les restants afin qu’ils soient recyclés, retraités ou éliminés de façon sécuritaire.

Île-du-Prince-Édouard

Les Prince-Édouardiens peuvent profiter d’un programme de reprise qui leur permet de déposer leurs produits pharmaceutiques inutilisés ou périmés (médicaments sous ordonnance ou en vente libre) à des pharmacies locales pour une élimination écologique. Ils peuvent aussi apporter des produits pharmaceutiques directement à n’importe quel centre de récupération du Island Waste Management Corporation pour une élimination sécuritaire.

Québec

Le Québec ne possède pas de programme provincial officiel pour l’élimination de déchets pharmaceutiques résidentiels. Cependant, il existe dans les municipalités différents modes de récupération sélective des déchets domestiques dangereux comme les produits pharmaceutiques. Ils comprennent les journées de collecte, les unités mobiles et les dépôts permanents. De plus, les pharmacies communautaires se doivent, en vertu de la Loi sur la pharmacie du Québec, de recueillir les produits pharmaceutiques qui sont rapportés par les consommateurs pour en faire une élimination sécuritaire. Les autorités municipales et les pharmacies communautaires gèrent les coûts de ces programmes.

Saskatchewan

La Saskatchewan possède un programme provincial officiel pour l’élimination des déchets pharmaceutiques résidentiels. Le programme d’élimination de déchets pharmaceutiques permet au public de retourner les médicaments dans la plupart des pharmacies communautaires pour une élimination sécuritaire. Ce programme est une initiative du Saskatchewan College of Pharmacists (SCP). Dans le cadre de ce programme, les pharmacies assument les coûts de ramassage des déchets pharmaceutiques qui ont été recueillis.

Yukon

Le Yukon ne possède pas de programme territorial officiel pour l’élimination des déchets pharmaceutiques résidentiels. Cependant, la plupart des pharmacies communautaires ont des programmes non officiels de reprise dans le cadre desquels elles acceptent les déchets de produits pharmaceutiques de leurs clients. Le Yukon offre périodiquement des jours de cueillette de déchets domestiques dangereux dans les localités.


Alan Low, B.Sc. (phm.), Pharm.D., Ph.A., ACPR, FCSHP, CCD
Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 179 – 2011
1. Health Canada. Proper Use and Disposal of Medication. Available at www.hc-sc.gc.ca/hl-vs/iyh-vsv/med/disposal–defaire-eng.php. Accessed 2011-01-26.
2. Statistics Canada. Treatment of leftover or expired medication. 2005. Available at www.statcan.gc.ca/pub/16-002-x/2008001/charts/5008072-eng.htm. Accessed 2011-08-21.
3. Connor TH et al. Preventing occupational exposures to antineoplastic drugs in health care settings. Cancer Journal for Clinicians. 2006;56:354-365.
4. Bibliography: Gagnon E. Pharmaceutical disposal programs for the public: A Canadian perspective. Health Canada Environmental Impact Initiative. 2009. http://www.enviroadvisory.com/pdf/Takeback.pdf. Accessed 2011-08-12.
5. Post Consumer Pharmaceutical Stewardship Association. Return Expired Medications. Available at www.medicationsreturn.ca/pharmacists_en.php. Accessed 2011-08-20.
6. Northwest Territories Health and Social Services. NWT Clinical Practice Information Notice. April 2005.
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