Dynamique familiale pendant les vacances

Avez-vous déjà demandé au Père Noël pour une Valium avant vos rencontres en famille à Noël?

J’ai bien ri lorsque j’ai lu dans le journal ce que racontait un policier au sujet des rencontres en famille à Noël. Il disait que lorsque des membres d’une famille n’ayant pas l’habitude de se voir au courant de l’année s’assemblent et boivent un peu trop, ils se souviennent très rapidement des raisons pour lesquelles ils ne se rencontrent pas plus souvent! La bagarre éclate, et on l’appelle pour aller résoudre les conflits familiaux.

En effet, les rencontres en famille pendant la saison des Fêtes peuvent soulever des occasions de se différencier. La différenciation est l’aptitude à rester fidèle à soi-même et à défendre ses croyances lors d’interactions avec des gens qui sont importants pour nous, sans avoir à céder à des pressions afin de se conformer ou de plaire. C’est un processus continu par lequel vous définissez vos pensées, vos sentiments, vos valeurs et vos désirs. Vous courez le risque de vous exprimer authentiquement et ouvertement sans chercher l’approbation, l’acceptation ou la validation des autres. Pour accomplir un tel exploit, il est essentiel que vous maîtrisiez tout d’abord vos peurs et vos anxiétés par rapport aux différences entre vous-même et les membres de votre famille.

L’opposé de la différenciation est la fusion. La fusion c’est avoir une relation sans faire place à l’individualité. Lorsque vous fondez votre bien-être sur l’approbation des autres, vous considérez leurs différents souhaits, désirs ou opinions comme une menace personnelle. La fusion signifie habituellement, « Fais comme moi, aime ce que j’aime et crois ce que je crois. » Vous apprenez à être ce que les autres veulent que vous soyez ou ont besoin que vous soyez afin de maintenir le lien. La fusion est une forme de contrôle.

Comme parent, la différenciation vous permet de maintenir un lien, de garder une certaine curiosité et d’être impliqué à l’égard vos enfants, de façons qui leur permettent d’exprimer leurs propres besoins, désirs, pensées et sentiments, plutôt que d’essayer de changer, de réparer ou d’influencer leurs actions ou de se distancer d’eux. La différenciation permet aux parents d’interagir avec leurs enfants en tant que personnes individuelles plutôt que de ressentir qu’ils doivent satisfaire à leurs besoins ou de faire de leurs enfants un prolongement d’eux-mêmes.

Chez les familles bien différenciées, il existe un niveau sain de séparation émotive entre chaque membre de la famille. Chaque membre a le droit de penser, de parler et de ressentir des émotions sans se faire contrôler. S’il y a un manque de différenciation dans votre famille, pendant les rencontres de Noël on risque d’entendre des commentaires et des questions comme, « Oh, tu ne viens que pour deux jours? » (lire : ça me fait de la peine); « Tu as pris du poids. Es-tu toujours célibataire? Vas-tu avoir des enfants bientôt? » (lire : ce n’est pas de cette façon que je souhaite que tu sois et tu nous fais paraître mals); ou « Je vais te dire ce que j’ai prévu lors de ta visite » (lire : ce que tu veux n’est pas important; tu dois faire ce que je veux pour me faire plaisir). Au sein de ces familles, les différences sont vues comme des menaces plutôt que des bienfaits.

Il est surprenant de voir à quel point nous pouvons facilement retomber dans nos rôles familiers et nos habitudes d’interaction d’autrefois en retournant au foyer paternel – qu’il s’agisse du rôle de mouton noir, de victime, de héros, de rêveur, d’enfant parfait ou de rebelle. En retournant au foyer paternel, on peut parfois avoir l’impression d’avoir fait un bond en arrière dans le temps. Vous avez peut-être 40 ans, mais lorsque vous êtes avec votre famille, vous agissez et vous vous sentez comme si vous aviez à peine 8 ans. Cela me rappelle une citation de Ram Dass : « Si vous croyez avoir un esprit éclairé, retournez au foyer paternel pour Noël. » (traduction libre)

Dans son livre, If You Had Controlling Parents, Dan Neuharth réussit brillamment à décrire ce qui se passe lorsque nous grandissons dans une famille indifférenciée avec des parents dominateurs. Il compare les dynamiques entre les familles saines et les familles dominantes : « Les familles dominantes sont structurées de façon à plaire, à protéger et à servir un parent ou les deux et non à favoriser la croissance ou l’expression de soi optimale des membres de la famille. »

Vous avez peut-être déménagé à des milliers de kilomètres de la maison paternelle ou avez rompu des liens avec certains membres de la famille afin de mieux gérer les pressions familiales, mais cela ne résout jamais le problème. Le scénario joué au sein de notre famille sera inévitablement rejoué à un moment donné dans nos relations d’adultes, surtout dans nos mariages. Ce n’est pas mauvais, c’est plutôt une merveilleuse occasion de cicatriser les plaies du passé et d’apprendre à se différencier.

Savoir reconnaître les modes de comportement que vous adoptez lors d’interactions avec ceux qui vous sont les plus chers est la première étape vers la différenciation. Le counseling peut être infiniment utile à ce processus.

Les prochaines étapes consisteront à acquérir les compétences requises et à développer la force nécessaire pour maintenir un lien avec les membres de votre famille tout en demeurant dans le présent et en vous séparant émotionnellement des habitudes blessantes et problématiques du passé qui pourraient toujours faire surface. Pour ce faire, vous aurez à graduellement dépendre moins de l’approbation de vos parents et de vos frères et sœurs afin d’avoir un sentiment de bien-être et vous devrez apprendre à vous faire confiance.

Le Dr David Schnarch l’énonce de cette façon : « La différenciation est une chirurgie émotionnelle déchirante – et le pire c’est que vous devez la pratiquer sur vous-même. »

La différenciation est un processus continu et quitter la maison sur le plan émotionnel peut prendre toute une vie!


Claire Maisonneuve, conseillère clinicienne agréée
Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 180 – 2011
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