La prescription d’analgésiques narcotiques aux enfants atteints de la MII

La maladie inflammatoire de l’intestin (MII) est un terme qui fait notamment référence à deux maladies de l’intestin : la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Ces maladies provoquent une inflammation chronique et leurs symptômes comprennent une douleur abdominale grave, la diarrhée et les saignements rectaux. Un diagnostic de la maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse peut se produire à tout moment de la vie. Cependant, le diagnostic atteint un sommet chez les personnes âgées de 10 à 20 ans, avec un deuxième sommet plus léger chez celles d’environ 50 ans.

Puisqu’il n’existe pas de remède contre la MII, son traitement vise à gérer les symptômes. Les douleurs abdominales, allant de légères à graves, sont très courantes dans la MII, ce qui influence parfois les médecins à prescrire un analgésique narcotique pour traiter ce symptôme. Cependant, l’usage à long terme de ce type de médicament entraîne de nombreuses complications, y compris des effets indésirables sur le tractus gastro-intestinal, ou une dépendance psychologique ou physique.1,2

Chez les enfants, le traitement chronique au moyen d’un médicament narcotique peut aussi provoquer une malnutrition, empêcher de grandir convenablement ou occasionner des infections opportunistes et des lymphomes hépatospléniques.1 En dépit de ces risques, de nouveaux résultats de recherche démontrent que les médecins prescrivent des narcotiques aux enfants souffrant de douleurs associées à la MII à un taux deux fois plus élevé qu’aux enfants souffrant de douleurs non associées à  la MII.1 Ils prescrivent ces médicaments encore plus souvent aux enfants aux prises avec la MII qui souffrent déjà d’anxiété ou de dépression.1

Dans le cas d’une étude récemment publiée dans Clinical Gastroenterology and Hepatology, les chercheurs ont comparé la prescription chronique de narcotiques chez les enfants atteints de la MII à celle chez les enfants n’étant pas atteints de la MII dans le but d’analyser les facteurs présentant une association. Il s’agit de la première étude scientifique évaluant la prescription d’un narcotique chez les enfants atteints de la MII à être publiée dans une revue médicale.

L’étude comptait 4 344 enfants souffrant de la MII (63 % de la maladie de Crohn, 37 % de colite ulcéreuse) et 21 720 enfants ne souffrant pas de la MII. Elle a exclu les enfants ayant subi une chirurgie gastro-intestinale au cours de l’étude.

Les chercheurs ont classifié comme utilisateurs chroniques les enfants dont au moins trois ordonnances pour des médicaments narcotiques avaient été remplies entre 2010 et 2012. Pendant la période de l’étude, 5,6 % des enfants aux prises avec la MII et 2,6 % des enfants ne souffrant pas de la MII ont satisfait aux critères d’utilisation chronique de narcotiques.1 Le taux d’utilisation de narcotiques était à peu près semblable pour la maladie de Crohn (5,6 %) et la colite ulcéreuse (5,5 %).1

Les facteurs les plus communs associés à l’utilisation chronique d’un médicament narcotique chez les enfants atteints de la MII étaient l’âge, l’anxiété et la dépression. Les enfants souffrant d’anxiété ou de dépression en présence de la MII avaient les taux les plus élevés d’utilisation d’un narcotique prescrit, soit 12,5 % et 14,4 % respectivement. Cela est particulièrement intéressant, puisque chez les enfants ne souffrant pas de la MII, l’anxiété ou la dépression n’augmentait que très légèrement le taux d’utilisation d’un narcotique tandis que chez les enfants atteints de la MII, ces troubles doublaient le taux d’utilisation d’un narcotique.

Cette étude suggère que même si l’utilisation à long terme d’un narcotique prescrit est associée à des complications gastro-intestinales et à des symptômes extra-intestinaux, l’utilisation prolongée d’un analgésique narcotique n’est pas rare chez les enfants aux prises avec la MII.

Des recherches antérieures ont établi que les personnes souffrant de la MII sont plus vulnérables à la dépression et à l’anxiété que celles n’en souffrant pas.3 Cela pourrait signifier qu’un nombre important d’enfants aux prises avec la MII risquent de devenir des utilisateurs chroniques de narcotiques.

Un des auteurs de l’étude suggère « qu’une sensibilisation accrue à la comorbidité psychologique, au dépistage et au traitement pourrait réduire les symptômes entraînant l’utilisation de narcotiques et ses complications connexes. »1

Si vous subvenez aux besoins d’un enfant atteint de la MII qui prend un médicament narcotique pour traiter la douleur chronique, vous voudrez peut-être discuter de cette étude avec son spécialiste.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 196 – 2015
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1. Buckley J et al. Prevalence of chronic narcotic use among children with inflammatory bowel disease. Clinical Gastroenterology and Hepatology. 2015;13(2):310-315.
2. Jones JL et al. Avoiding the vicious cycle of prolonged opioid use in Crohn’s disease. American Journal Gastroenterology. 2005;100(10):2230-2232.
3. Loftus EV Jr. et al. Increased risks of developing anxiety and depression in young patients with Crohn’s disease. American Journal of Gastroenterology. 2011;106(9):1670-1677.