Combattre C. difficile est l’affaire de tout le monde

L’infection à Clostridium difficile (C. difficile) (ICD) fait son apparition le plus fréquemment dans les hôpitaux, les foyers de soins de longue durée (CHSLD) ou les résidences pour personnes âgées, mais elle survient quand même au sein de la communauté. Plusieurs antibiotiques qui traitent efficacement les infections bactériennes ont malheureusement comme effet secondaire de tuer les bonnes bactéries qui habitent dans les intestins. Il en résulte un déséquilibre du microbiome, ce qui provoque une prolifération excessive des bactéries néfastes telles que C. difficile. Les spores de cette bactérie se propagent dans l’environnement et contaminent les surfaces des salles de toilettes, des couloirs et des chambres des patients, pouvant infecter d’autres personnes ou infecter le patient de nouveau. Le symptôme principal d’une ICD est une diarrhée aqueuse et parfois explosive qui peut s’avérer mortelle chez les groupes vulnérables comme les aînés et les personnes dont le système immunitaire est affaibli.

Les membres d’une famille et les soignants qui ont perdu des êtres chers en raison de complications liées à une ICD déclarent souvent qu’ils ignoraient auparavant les dangers de cette infection dévastatrice. Ils affirment aussi se sentir complètement impuissants par rapport à la souffrance de leur ami ou du membre de leur famille aux prises avec une ICD – souvent par épisodes récurrents – qui essaie en même temps de gérer d’autres problèmes de santé. Après avoir perdu un proche, les soignants déclarent se sentir impuissants une fois de plus à prévenir un tel évènement tragique chez d’autres personnes, et fâchés que cela ait même pu se produire. Une personne se trouvant dans une telle situation, nommément Ian Knowles de Peterborough, en Ontario, a transformé sa frustration en quelque chose d’extraordinaire : un changement positif.

L’histoire d’un soignant

En 2009, un jour après son retour à la maison de l’hôpital où il avait reçu un traitement aux antibiotiques pour une pneumonie, le père d’Ian Knowles, Eric Knowles âgé de 83 ans, a développé une diarrhée grave. Sachant que la diarrhée est un effet secondaire courant des antibiotiques, aucun membre de la famille n’a été immédiatement alarmé par ce symptôme. Environ une semaine plus tard, alors que l’état de santé général de M. Knowles s’était affaibli considérablement, la famille l’a ramené à l’hôpital pour apprendre qu’il souffrait d’une ICD. Un médecin l’a admis et placé en isolation, mais il est décédé peu de temps après en raison d’une combinaison de l’ICD et d’autres affections dont il souffrait.

Ce qui aurait pu être différent

Ian a entrepris d’aider d’autres personnes qui pourraient vivre une expérience semblable. Il a mené un certain nombre d’observations informelles à l’hôpital. Pendant l’une d’elles, il s’est assis à l’entrée de l’hôpital et a documenté le nombre de personnes qui se servaient du désinfectant pour les mains en entrant ou en sortant de l’hôpital; d’après ses observations, seulement 25 % l’avaient fait. Il a fait part de ses constats au service de prévention des infections qui, après avoir écouté ses préoccupations et pris en compte ses observations, a apporté des changements. (Il est important de noter que bien que le désinfectant pour les mains est nécessaire et qu’il protège contre de nombreux types de pathogènes infectieux, il ne tue pas les spores de C. difficile. Il est primordial d’adopter des pratiques adéquates de lavage des mains en utilisant du savon et de l’eau afin de réduire le risque de propagation de C. difficile.)

Le service de relations avec les patients a demandé à Ian d’écrire une histoire pour le conseil d’administration de l’hôpital et les équipes de gestion, non pas pour déposer une plainte, mais pour suggérer des améliorations. Par exemple, Ian affirme que son père était un homme qui suivait les règles à la lettre et donc, si son équipe de santé l’avait renvoyé à la maison en lui conseillant de revenir si des symptômes d’une ICD se présentaient – diarrhée persistante et douleur abdominale – il serait peut-être retourné à l’hôpital assez rapidement pour sauver sa vie. L’hôpital a depuis amélioré le transfert des connaissances aux patients et aux soignants en ce qui concerne les symptômes de l’ICD.

La stratégie Lean

Peu de temps après, l’hôpital a demandé l’aide d’Ian à titre de soignant/consultant pour le consommateur, lorsqu’elle commença à mettre en œuvre une stratégie de gestion appelée Lean. Cela implique tous les membres de l’équipe, peu importe leur poste et vise vise à améliorer (en l’occurrence) le système hospitalier en recueillant des suggestions sur les façons d’éliminer le gaspillage tout en portant une attention particulière aux besoins du consommateur/patient.1 Le fabricant de voitures Toyota a popularisé la stratégie Lean après l’avoir utilisée avec succès dans le cadre de ses systèmes de production dans les années 1950; de nos jours, de nombreux types de compagnies et d’organismes ont recours à la stratégie Lean, y compris les établissements de santé. On peut entendre par « gaspillage » les déchets solides, mais le terme peut aussi englober le temps perdu, l’énergie gaspillée ou les procédures qui sont désuètes ou qui ne fonctionnent pas. Dans le présent cas, la stratégie Lean a aidé l’hôpital à améliorer les soins aux patients.

Ian applique les concepts clés de Lean à la lutte contre l’infection à Clostridium difficile partout au pays. Il explique qu’une personne qui contracte une ICD peut se rétablir à l’hôpital; cependant, des surfaces contaminées à la maison pourraient occasionner une récurrence ou causer une infection chez d’autres personnes. Si Lean était adopté dans le cadre d’une stratégie nationale, il mettrait l’accent sur la sensibilisation accrue à l’ICD et à l’amélioration du comportement préventif chez les professionnels de la santé, les patients, les soignants, les membres de la famille et la collectivité. Tout le monde devrait apprendre à reconnaître les symptômes d’une ICD et apprendre les méthodes efficaces de désinfection des surfaces qui pourraient devenir contaminées par des spores de C. difficile. Chacun de nous a un rôle important à jouer lorsqu’il s’agit de limiter la propagation de C. difficile.

L’Agence de la santé publique du Canada affiche des lignes directrices sur son site Web sur la prévention et le contrôle des infections pour la gestion dans les établissements de soins de longue durée. Lorsque l’on visite de la famille et des amis dans ces établissements, il est très important de prendre des précautions afin de garantir de meilleurs résultats de santé pour tous.

TRU-D – La prévention commence avec un nettoyage adéquat et une désinfection efficace

Les hôpitaux observent des protocoles de nettoyage rigoureux afin de prévenir la propagation de maladies infectieuses et de nombreux hôpitaux canadiens commencent à ajouter des outils de haute technologie à ces processus de désinfection. La compagnie de nettoyage retenue par l’Hôpital général de Vancouver, ARAMARK Healthcare, s’est récemment procuré un robot qui utilise des rayons ultra-violets (UV) pour détruire les microorganismes nuisibles sur les surfaces hospitalières, y compris les spores de C. difficile.2 Ce robot, nommé TRU-D SmartUVC™, mesure cinq pieds cinq pouces et a une surface externe munie de lampes UV spécialisées; on pourrait croire qu’il s’est échappé d’un épisode de l’émission télévisée de science-fiction, Doctor Who. Le robot fonctionne en baignant une pièce de lumière ultra-violette. L’énergie lumineuse germicide qui est émise des longues ampoules de TRU-D perturbe la structure de l’ADN des cellules infectieuses, empêchant leur multiplication et les rendant donc inoffensives. L’hôpital se sert de TRU-D dans certaines chambres des patients et dans les salles de bronchoscopie, d’endoscopie et de chirurgie.

Le personnel nettoie et désinfecte une pièce selon les protocoles normalisés, puis il fait rouler TRU-D au centre de la pièce, ferme la porte et contrôle le processus de désinfection à l’aide d’une télécommande. Une fois activé, TRU-D peut déterminer la taille de la pièce dans laquelle il se trouve et établir de façon précise la dose et la durée de lumière UV requise. La désinfection prend habituellement de 20 à 35 minutes, après quoi le robot s’éteint automatiquement, accompagné d’un signal sonore retentissant. Les hôpitaux canadiens se sont déjà servis d’une technologie désinfectante semblable, mais cet appareil est le premier vrai robot TRU-D au Canada. L’hôpital espère que ce nouvel outil aidera à prévenir des éclosions de superbactéries telles que Clostridium difficile et songe à acquérir des robots additionnels dans l’avenir.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 186 – 2013
1. Graban M. Lean Hospitals: Improving Quality, Patient Safety, and Employee Satisfaction. New York, NY: Productivity Press; 2008.
2. Media Release. Vancouver General Hospital Deploys TRU-D ‘Superbug Slayer’ to Battle Worst Season of Flu in Recent Memory. PR Newswire. 2013-02-20.
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